Entre provocation et confusion (26/11/2016)
Lorsque un punk s'habille le matin, il est certain qu'il ne se dit pas "tiens, je vais essayer de séduire la fille du boucher ce matin... en portant une chaîne de vélo à ma ceinture !"
Il est évident que quand un punk s'habille le matin, il cherche la tenue qui exprimera au monde entier à quel point il est révolté, en combinant des éléments qui le différencieront des autres ethnies urbaines. Mais pas seulement : sa tenue peut aussi montrer le type de drogue qu'il consomme ou encore suggérer implicitement le syle de musique qu'il écoute en utilisant les références vestimentaires de certains leaders.
D'un point de vue socio-anthropologique, on peut dire que le fait de se vêtir de cette façon pourrait agir comme un masque servant à protéger la fragilité potentielle de la personne en lui donnant une autre image. La mode punk peut aussi permettre de s'identifier à un groupe et donc de structurer le comportement sur des points d'ancrage comme les codes vestimentaires dont les principales références sont les goûts musicaux.
Chez le punk, les éléments essentiels sont la dérision et la provocation. Dans la dérision, le premier but est de tourner en ridicule les codes vestimentaires de l'époque. On fabrique des bas résilles avec des filets d'orange et l'on porte des lunettes sans verre. Au moment où le jean et le tee-shirt sont portés dans le but de rendre les deux sexes égaux, les punks s'en affublent en rajoutant des éléments faisant clairement référence à la sexualité. Du côté de la provocation, les punks adorent mettre en évidence des sujets jugés tabou comme le fétichisme, le sadomasochisme, la prostitution ou encore la toxicomanie. La provocation touche aussi au "politiquement correct", par l'affichage de symboles politiques forts, tels que la lettre A désignant l'Anarchie. La provocation par la violence est aussi une réalité punk. On parle ici de regroupements animés ou de formules comme le mythique "fuck off !". La violence est également véhiculée par des attributs guerriers comme l'iroquoise, en référence aux Amérindiens ou aux casques ornés de panaches de crins ainsi que les portaient les fantassins hoplites dans la Grèce antique. Il existe d'autre part une violence faite à soi-même, représentée par la toxicomanie ou par les vêtements déchirés. Et l'on peut évoquer ici la dimension jusqu'au-boutiste, soit une tendance à toujours repousser les limites. Orientation particulièrement illustrée par les Sex Pistols, lesquels font sans cesse reculer les barrières en enchaînant scandale sur scandale.
Malheureusement pour eux, l'image que les punks veulent renvoyer n'est pas toujours perçue de la façon qu'ils le souhaiteraient. Par exemple, au début du mouvement, le fait qu'ils se décolorent les cheveux, les coupent court et revêtent des jeans étroits les identifie aux homosexuels, surtout aux Etats-Unis. Une perception renforcée par une chanson interprétée par les Ramones, laquelle faisait clairement allusion à un lieu connu de la prostitution masculine à New York. Il s'agit de 53rd & 3rd
Dans cet esprit de confusion, certains punks arborent des croix gammées, en signe de provocation. Il était alors facile d'imaginer que ceux-là propageaient des idées néo-nazies... Pour contrer pareille ambiguïté, d'autres punks affichent des symboles résolument anti-nazis.
Du fait de l'importance qu'ils prêtent à leur apparence, on les qualifie au choix de dandies ou de fauchés. Mais à l'inverse du dandysme, les punks ne sont pas précieux. Leurs vêtements sont des messages affichant au contraire l'esprit de provocation, le négligé plutôt que la coquetterie, soit une "élégance" décalée. Ils développent une esthétique du désordre et de la confusion semblable en beaucoup de points à celle qu'initia le mouvement dada en recourant à des déguisements se moquant de l'Eglise ou de l'Armée.
Suivant les pays, certains éléments de la mode punk peuvent être illégaux. En France, on interdit le port du triplex, une ceinture semblable à une chaîne pouvant être utilisée comme une arme. Et en Angleterre, certains tee-shirts sont prohibés, à l'exemple de celui reproduisant la photo de la cagoule de latex portée par Peter Samuel Cook, le violeur de Cambridge qui avait terrorisé la ville universitaire d'octobre 1974 au mois d'avril 1975.
16:44 | Tags : provocation, dérision, musique, sex pistols, punk, ramones, mouvement dada, apparence, homosexualité, anthropologie, violence | Lien permanent | Commentaires (0)