Une iroquoise bleue électrique, un collier ras du coup clouté, des yeux cernés de noir et des lèvres sanglantes, une veste donnant un effet patchwork digne d'un Do It Yourself punk: voici les vestiges du punk, aux codes tape à l'oeil, que les stylistes de haute couture prendront plaisir à retravailler. Déjà en 1977, Zandra Rhodes faisait son premier défilé, suivie de près par Vivienne Westwood, toutes deux aux cheveux d'une couleur pétante, allant du orange au rose. Ce fut ensuite au tour de Jean-Paul Gaultier, célébrant le mouvement par des robes à motifs tartan et des iroquoises toujours plus hautes.
Le mouvement punk aura sûrement permis à la haute couture de se libérer de certaines règles, bloquant la créativité. En effet, les codes couleur sont cassés, et le presque mauvais goût est de plus en plus recherché.
Toutefois, que peuvent penser les punks de cette appropriation d'un mouvement aux codes anticapitalistes ? Comment un tee-shirt déchiré, tâché, acheté dans une friperie, pourrait devenir un objet d'une valeur coûtant six cents euros ? Serait-ce une des nombreuses preuves que le punk est mort, et pire, qu'il est devenu une marchandise ? En effet, des accessoires ou des vêtements punk à la symbolique bien précise se retrouvent désormais commercialisés dans des chaînes de grands magasins, où l'on peur voir les logos des Ramones ou des Guns N'Roses. Pire encore, dans des articles dédiés aux mères inquiètes de l'évolution de leur ado, on retrouve "la phase punk", comme étant une maladie, une période de rébellion obligatoire sans message particulier. En effet, le style punk est rentré dans les dicos du look pour ado, tout comme le style "skater", "romantique" ou encore "BCBG". Dans la rue, des petites princesses de la mode arborent des sac à main cloutés ou des creepers, associés à de petites robes moulantes et à une démarche travaillée. Mais pouvons-nous reprocher aux punks de s'être vendus ? Nous ne pouvons pas nier le fait qu'ils se soient enfermés dans leurs propres règles. Pourtant, chaque mouvement donnant lieu à un nouveau style, s'inspire lui même du passé. Comme le punk l'a fait en s'appropriant le blouson en cuir, à l'origine issu du rock'n'roll, mais en le personnalisant avec des épingles et des slogans.
Pour revenir sur la mode d'aujourd'hui, nous constatons chez les jeunes un rejet des valeurs punks. Ceux-ci s'approprient en effet des codes comme le A de Anarchie, sans pour autant savoir de quoi il s'agit. Le perfecto en cuir quand à lui, étant à l'origine large et customisé, se retrouve aujourd'hui transformé en veste en plastique, simple et cintrée. Dans le même esprit, les poignets de force cloutés, signifiant la violence, apparaissent comme des bracelets en toc, pailletés, perdant toute la puissance de l'esprit punk. Le jean troué, autrefois signe d’auto-destruction, se trouve aujourd'hui dans la garde-robe de nombreux jeunes. Et l'on observe depuis plusieurs années que des vêtements délavés et préalablement troués sont mis en vente sur le marché du neuf rehaussés en quelque sorte d'une image de marque "vintage". On peut imaginer que cette marchandisation du mouvement, humilie les punks les plus authentiques en les rattachant aux valeurs d'une société qu'ils ont toujours discréditer.
On peut donc dire que le mouvement a subi les efforts de la récupération commerciale, dans le but d'en faire un outil marketing et d'en tirer profit. En le marchandisant, on émousse sa portée subversive. Dès lors qu'on le consomme au travers d'objets manufacturés, le punk n'est plus inadmissible. S'il s'échange de main en main comme un produit, c'est donc qu'il a perdu toute toxicité. La mode l'ayant assimilé, le punk a perdu toute vitalité. Et c'est de cette façon qu'il s'est probablement éteint.